#3
LA fausse
couche "banale"
raconter
5 fEMMES
INGRID
Ingrid a 41 ans. Elle est atteinte d’endométriose de stade 4 et a fait une fausse couche il y a 11 ans à 3 mois de grossesse.
AGATHE
Agathe a 35 ans. Elle a fait une fausse couche en juillet 2018.
CAROLE
Carole a 43 ans. Elle a fait une fausse couche en 2011, à 3 mois de grossesse.
FANNY
Fanny a 35 ans. Elle a fait une fausse couche il y a un an et demi à 2,5 mois de grossesse.
LINDA
Linda a 37 ans. En deux ans, elle a fait 3 fausses couches successives à 6, 7 et 8 semaines de grossesse.
DANS CET ÉPISODE
5 FEMMES NOUS RACONTENT COMMENT ELLES ONT TRAVERSÉ L'ÉPREUVE DE LA FAUSSE COUCHE
5 itinéraires bis, 5 femmes cabossées, qui racontent leur fausse couche, leur vécu, leurs souffrances, et leur besoin de reconnaissance.
Un évènement bien souvent banalisé, qui pourtant peut laisser des traces indélébiles.
SOUTENIR
les professionels

Laure, de l'association Agapa
Laure est écoutante pour l’association Agapa depuis 6 ans.
« Elles ont vraiment une peur terrible d’oublier alors que c’était quand même un enfant qu’elles attendaient. Et donc elles n’ont pas un lieu… lorsqu’on on perd un enfant in utero il va y avoir des obsèques, il va y avoir une tombe ou une incinération, il va y avoir des photos du bébé, alors que là, lors d’une fausse couche parfois il n’y a même pas d’échographie, y a rien.
On les aide à écrire une lettre, à poser des actes symboliques, pour qu’il y ait des traces. Il ne s’est pas rien passé. »
Laure accompagne chaque année une dizaine de personnes (hommes et femmes), soit en individuel, soit au cours des cafés-rencontres qu’elle anime.
L'association Agapa
Le rôle de l’association Agapa est d’offrir à tous (femmes et hommes) la possibilité de parler et d’être écouté après une grossesse qui n’a pas été menée à son terme (fausse couche, mort fœtale in utero, grossesse extra-utérine, interruption médicale de grossesse, IVG, réduction embryonnaire).
Cela peut prendre plusieurs formes : cafés-rencontres, groupes de parole ou parcours individuel.
Site : www.association-agapa.fr
Mail : contact@agapa.fr
Tél : 01 40 45 06 36
SOUTIENS
Merci à la marque CLARINS et l'association AGAPA.
Écriture, réalisation et montage
Fanny de Font-Réaulx & Anna N'Diaye
intervenantes
Les 5 femmes : Ingrid, Agathe, Carole, Fanny , Linda.
L'accompagnatrice Agapa : Laure Rialland
design sonore
Raphaël Aucler / Studio Arigato
MUSIQUE ORIGINALE
Arigato Massai, Raphaël Aucler, Victor Belin
la production
Qui a contribué à ce podcast?
À l’occasion de la journée mondiale du deuil périnatal, les associations AGAPA et LUNA s’unissent pour organiser un événement digital inédit autour de 3 temps forts.
EXTRAITS DE L'ÉPISODE
C’est une présomption de fausse couche, il faudra faire 3 prises de sang les semaines qui suivent pour vérifier que votre taux d’hormones qui décèlent la grossesse se réduit normalement » et c’est tout.
Je suis rentrée chez moi, je saignais forcément de plus en plus je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit là, parce que vraiment la nuit j’ai fait la fausse couche et… physiquement ça a été assez douloureux finalement. À aucun moment finalement pendant le process je me suis dit « ben je vais aller aux urgences » comme on m’avait dit, « l’hémorragie est trop importante », parce que à ce moment-là je n’avais pas envie de me retrouver avec des étrangers. Je n’avais pas du tout envie de ça.
Et donc là, voilà, je m’installe pour qu’on fasse l’échographie, et donc je regarde l’écran… et là il y a un grand silence, et je dis « ça va ? » et là ma gynéco tourne l’écran vers elle. Et là elle me dit « bah non, on n’a plus de battement cardiaque. ». Je suis là les pattes en l’air, tremblante. Ensuite je me rhabille, je me mets face à son bureau comme d’habitude et puis elle me dit « vous allez à port royal tout de suite, c’est la maternité qui me suivait et puis ils vont vous faire une échographie et ils vont vous expliquer comment ça va se passer.
Et en fait je suis tombée enceinte très rapidement comme les deux autres fois mais après ça s’est pas bien passé au bout de 8 semaines. J’ai fait une échographie pour voir finalement l’embryon mais en fait c’était un œuf clair, et donc y avait rien et là c’était vraiment….
Le silence, le silence vide. Le silence vide, ça n’existe pas mais c’est ça qui s’est passé. Un peu comme dans matrix : pffftt.
C’est vraiment le vide absolu quoi.
J’avais cru avoir tout fait pour l’éviter, et en fait j’ai pas pu l’éviter!
J’avais envie d’exprimer quelque chose je savais même pas quoi et je ne savais pas comment le faire.
J’arrivais pas très bien à gérer les hauts et les bas de mes états émotifs
Cette espèce de tempête qui nous chamboule complètement.
J’ai commencé à avoir des attaques de panique, je pense que j’ai touché d’un doigt la folie, quand je dis la folie, la folie psychiatrique quoi.
On m’a refait mon cours de biologie de bah voilà il y a la moitié des chromosomes qui viennent du spermatozoïde et l’autre moitié qui vient de l’ovule et du coup ben c’est une rencontre et puis parfois dans cette rencontre il y a des bugs. On m’a dit 95% des fausses couches c’est ça.
Pour lui le médecin, c’est banal quoi. Au niveau chirurgical, au niveau acte médical ce n’est pas un problème et donc ils vont avoir tendance à banaliser en disant « bah écoutez ça ira mieux à la 2e grossesse ».
J’ai été blessée du fait que c’était… je vivais, je vis, je ressens un deuil et on ne me le reconnaît pas. Socialement, professionnellement, c’est silence radio.
C’est un non événement ou c’est une grippe ouais, c’est un peu embêtant mais c’est tout.
Je me suis sentie bête d’être triste. Parce que c’était tellement, comme ça arrive à tout le monde, comme c’est normal, comme on me dit que je ne dois pas être triste je me suis sentie un peu con quoi.
Même encore aujourd’hui, je suis tout le temps en train de m’excuser d’être triste, enfin d’avoir été triste. Y’a comme un « oui j’ai fait une fausse couche mais c’est vrai qu’aujourd’hui j’ai un enfant», toujours l’impression que je minimise ce qui m’est arrivé en fait.
Quand j’en ai un petit peu parlé, certaines personnes se sont, comme effacées, pour des raisons qui certainement leur sont propres. Et d’autres personnes, sur lesquelles je comptais peut-être moins, se sont rendues beaucoup plus disponibles, et j’ai découvert une facette insoupçonnée de certaines personnes.
J’ai donné la priorité à moi-même, à mon bonheur et pas à un objectif à atteindre. c’est que j’ai découvert pleins de choses de moi-même de ce que je veux devenir et des autres formes de maternité qu’on peut offrir aux autres, au monde, aux enfants, aux adultes. Et c’est beau, ça rend le poids du deuil qui reste là plus léger.
C’est pas « j’ai fait une fausse couche j’ai besoin d’en parler » c’est que déjà elles ne vont pas bien, et que elles n’arrivent pas à se lever le matin, qu’elles pleurent beaucoup, que l’entourage qui entend en boucle qu’elles sont dans cette idée de culpabilité, et voilà en tous cas celles qui viennent à Agapa déjà elles vont pas bien quoi.
Donc elles ont vraiment une peur terrible d’oublier alors que c’était quand même un enfant qu’elles attendaient, surtout quand on me dit déjà pour certaines qu’elles ont déjà trouvé un prénom. Et donc elles n’ont pas un lieu, on perd un enfant in utero il va y avoir des obsèques, il va y avoir une tombe ou une incinération, il va y avoir des photos du bébé, alors que là la fausse couche parfois il n’y a même pas d’échographie, y a rien.
Il faut qu’elles fassent un deuil, c’est quand même un enfant qu’elles attendaient, même si pour certaines c’est une grossesse interrompue, que c’étaient des cellules, d’autres c’est un bébé en devenir, d’autres c’est carrément un bébé, pour certaines elles ont même un prénom mais en tout cas il faut qu’elles fassent le deuil de cette grossesse interrompue et le deuil c’est un processus qui prend du temps.