
Christelle, @nos_vies_post_ivg
IVG ET CULPABILITÉ
Christelle, du compte @nos_vies_post_ivg nous a envoyé ces mots pour apporter son éclairage sur la question de la culpabilité et de l’IVG.
« Pourquoi je me sens coupable puisque cette IVG, je l’ai voulue ?! » « Comment puis-je regretter cette IVG puisque je l’ai souhaitée ?! » « je ne culpabilise pas. Je ne comprends pas. Je suis un monstre ou quoi ? » « Mon IVG date ! pourquoi je culpabilise maintenant ? » « ce bébé n’avait rien demandé ! C’est ma faute et c’est lui qui paie » « Et si je ne pouvais plus avoir d’enfants après ? » Voici en substance ce que me livrent les femmes qui se tournent vers moi lorsqu’il est question de culpabilité et d’IVG.
Nous ressentons de la culpabilité quand nous nous considérons en faute, que cette faute soit réelle ou imaginaire. Précisément, nous ressentons de la culpabilité quand nous considérons que nous avons enfreint une règle et que par ailleurs nous en éprouvons du regret (j’aurais pas dû faire ou dire telle chose ).
Culpabilité = Transgression (d’une norme/règle) + regret => accès rapide à la détestation de nous-mêmes, à la honte de nous-mêmes.
Je parle ici de la culpabilité auto-adressée. Pas de la culpabilité qu’un tribunal ou qu’une personne décrète ou établit contre quelqu’un.
« comment moi j’ai pu faire cela ?! »
Nous avons agi d’une façon qui semble nous diminuer. Nous ne nous reconnaissons plus ! Nous entrons en zone de dissonance cognitive aiguë : « Je suis quelqu’un qui dit être ( choisissez l’adjectif qui vous sied) et qui pourtant a agi/pensé à l’opposé. Bref, nous sommes en conflit avec nous-mêmes. Or, l’être humain (ou le cerveau, le mental, à votre convenance) déteste ces grands écarts entre le dire et le faire. Nous aimons la cohérence, les certitudes sur nous, le monde, les autres. Affronter nos dissonances cognitives, nos angles morts, notre sentiment de culpabilité? Tout cela est désagréable (euphémisme !). Ce que nous voulons, c’est que cesse ce malaise de ne pas nous vivre comme la bonne personne que nous pensons et voulons incarner. Nous voulons nous aimer, pas nous détester. Quelle personne aime avoir honte d’elle-même ? Personne ! Et comment fait-on habituellement face à ce que nous considérons être une faute, un écart ? De manière quasi automatique, nous allons nous punir ! Nous avons appris à fonctionner de la sorte dès le plus jeune âge (« va au coin »). Changer de fonctionnement n’est pas aisé. Bref, on va s’auto-punir.
La bonne-mauvaise idée : se punir
Il est difficile de ne pas céder à la tentation de l’auto-punition. La culpabilité que l’on s’inflige soi-même est hypnotisante. Elle nous fait prendre le raccourci suivant : « si je me sens coupable, c’est que je le suis ». Il est plus simple et cela semble tellement prometteur de penser, surtout en état de souffrance mentale : « si je me sens coupable, c’est que je le suis, donc je vais me punir pour ne plus me sentir coupable. ça devrait marcher, non ? ».
ça ne marche pas car la culpabilité auto-infligée est un cercle vicieux. Plus vous vous punissez et plus votre sentiment de faute grandit, plus votre sentiment d’infériorité et de n’être moins que rien prend toute la place en vous. Jusqu’où va-t-on comme cela ? Vous le savez. Mésestime de soi, perte de confiance en soi et dans la vie, idées noires voire plus.Nous n’arrivons plus à aller de l’avant, à avancer…d’autant plus que le sentiment de culpabilité se vit dans le silence. On tait aux autres ce qu’on considère être une faute, avec de surcroît la peur que notre « faute » soit découverte par eux et qu’ils nous jugent fautives, autrement dit qu’ils nous retirent leur amour, estime, valeur.
En finir avec le cercle vicieux de la culpabilité.
Introduisez un tiers entre vous et vous-même, entre vous et cette culpabilité aveuglante. Faites-vous aider, parlez-en avec des professionnel.le.s compétent.e.s (thérapeutes, coachs, guides spirituels/religieux) ou avec toute personne vous permettant de vous poser des questions soutenantes pour sortir du cercle de la culpabilité. Ce tiers va vous aider à court-circuiter vos pensées auto-harcelantes « j’ai fauté, je ne suis pas une bonne personne » pour que vous élaboriez d’autres contenus de pensées nuancées, qui ne soient pas dans le tout ou rien (je suis une bonne personne si…Je suis une mauvaise personne si…).
Exemple des quelques questions que j’aime poser aux femmes que j’accompagne
« de quoi te crois-tu coupable ? »
« de quoi te crois-tu vraiment coupable ? » [j’adore cette question !!]
» ce que tu penses être une faute, en quoi est-ce une faute ? Par rapport à quels critères ? »
» cette norme ou règle ou valeur, l’as-tu tu as consciemment choisie ? » [parce que nos règles-normes-valeurs, nous ne les choisissons que très rarement. On reproduit le plus souvent celles avec lesquelles nous avons grandi, jusqu’au jour où la vie nous y confronte]
« qu’est-ce qui n’est pas bien selon toi ? »
« Peux-tu me raconter toute l’histoire ? [cela peut sembler admirable de se croire responsable de tout mais c’est faux et contre-productif. Il faut apprendre à identifier sa zone d’action et plus encore les choses qui ne dépendent plus de nous : la fertilité, la fécondation, la réussite ou échec de la contraception,l’attitude de notre entourage, de partenaire, du personnel médical, des préjugés de la société, etc.]
Ce switch mental consistant à se poser des questions différentes et soutenantes semble aisé. Il ne l’est pas. Le cerveau va toujours au plus simple. Il préfèrera toujours une réponse rapide et facile à croire, fusse-t-elle fausse ! Réfléchir, c’est-à-dire voir les choses différemment est difficile, énergivore, déstabilisant, plus encore quand l’on souffre et bien sûr, c’est pourtant dans nos moment douloureux qu’il nous serait le plus profitable de voir les choses différemment plutôt que de rester scotché à notre souffrance/culpabilité, etc.
« Et si le problème n’était pas cet IVG, ce serait quoi ? »
J’adore poser cette question aux femmes que j’accompagne. Au sens propre, les cerveaux buggent et c’est bien ! Sortons des sentiers battus des pensées culpabilisantes !
Vous ressentez de la culpabilité depuis votre IVG ? Ma conviction profonde est que l’IVG n’est pas le vrai problème. Le problème est ailleurs.
Trouvez cet ailleurs. Votre noeud de culpabilité. Offrez-vous ce cadeau de trouver votre conflit interne plutôt que de sauter dans les préjugés faciles – mais ô combien puissant – que distille la société. Une femmes qui avorte serait « une meurtrière », « une égoïste », « une irresponsable », »une trainée », « une inconsciente », « une femme qui sera toujours malheureuse de cet acte et qui va le regretter. »
Laissez de côté ces pensées vides et stigmatisantes qui sont des écrans de fumée. Elles ne sont que des épouvantails pour dissuader d’autres femmes de faire ce choix de l’interruption de grossesse.
Identifiez plutôt la règle très personnelle que vous pensez avoir transgressée. Cela a souvent à voir avec des promesses inconscientes que l’on a prises soi-même avec soi-même et que l’IVG fait ressurgir. ça a été l’IVG mais cela aurait pu être un autre événement de votre vie qui aurait mis à jour ce conflit interne, ces règles inconscientes qui sont les vôtres et qui aujourd’hui vous tiraillent. Exemples de règles inconscientes :
Toujours être sympa avec les autres
Éviter le conflit
Toujours être aimable
Me rendre non aimable
Etre parfaite
etc.
C’est selon moi la fonction du sentiment de culpabilité : mettre en lumière, pour nous-mêmes, nos conflits internes et nous conduire à réfléchir sur nos valeurs-règles-fonctionnements : pourquoi ai-je agi ainsi ? Est-ce que cette valeur est toujours importante pour moi ? Si oui, pourquoi je n’arrive-je pas à agir en conséquence ? Cette valeur ne serait-elle pas devenue obsolète ? Mais quelles sont mes valeurs au fait ?
Au lieu de mettre de la culpabilité, mettez de la compréhension ! Gros programme, hein ?! On croit que le sujet c’est son IVG et in fine, on entame une quête de soi !
2eme chose que je demande aux femmes que j’accompagne : Racontez-moi toute l’histoire. Pas uniquement l’intervention d’IVG. Tout est fait pour que nos pensées et imaginaires se focalisent sur l’acte d’IVG et que soient passés sous silence d’autres aspects pourtant incontournables : le partenaire, la famille, l’entourage, la situation économique, émotionnelle, professionnelle, sentimentale et médicale de la femme concernée, ses croyances personnelles et religieuses, son rapport à la sexualité, son rapport à la contraception, qui porte la charge contraceptive dans les relations sexuelles, quelles sont ses interactions avec les professionnel.le.s de la santé des femmes, etc)…:
Mon histoire.
Une histoire, la mienne, car les histoires ont cet effet magique de nous faire réfléchir sur la nôtre.
Pendant 8 ans, je m’en suis voulu à mort d’avoir avorté sans réussir à savoir pourquoi. Pendant 8 ans, je me suis persuadé que je devais aller bien, qu’il n’y avait pas de problème, que ma culpabilité, c’était de la coquetterie. Comme je refusais de faire mon travail de réflexion, j’ai cédé aux auto-punitions en pagaille. J’allais très mal.Puis, le confinement aidant, sans oublier ma précieuse psychothérapeute, j’ai accepté de comprendre. Avec cette IVG, je ne pouvais plus cocher ma liste inconsciente de la fille parfaite ! Longtemps j’avais rêvé et tout fait pour être la fille parfaite qui réussissait en tout « études-vie pro- vie perso : mari-enfant-maison-chien ». Avec cette IVG, mon parfait n’était plus atteignable ! Comme je dis souvent, dans nos sociétés actuelles, aucune femme n’inscrit dans sa wishlist, le coeur battant de plaisir « quand je serai grande, j’avorterai! » Je comprenais pourquoi je m’auto-culpabilisais et je compris aussi que j’étais en rage contre moi et que j’avais peur également. Si je n’étais plus parfaite selon mes critères, qu’allais-je devenir ? Comment être aimée ? Car ma recherche de perfection n’avait que ce but : forcer les autres à m’aimer pour me permettre de me sentir aimable. Tel était le conflit que faisait émerger mon IVG : rester petite fille parfaite pour se sentir aimable ou devenir femme libre et s’aimer elle-même?
Je m’en voulais aussi de m’être mis dans cette situation qui m’obligeait à ouvrir les yeux sur mes valeurs et rêves qui avaient changé, voire qui n’avaient jamais été les miens. Je réalisais que je ne voulais pas d’enfant. Je ne voulais pas fonder de famille non plus. Ces rêves qui m’avaient portée ne m’intéressaient plus. Fort bien mais que mettre à la place ? J’étais paniquée. Je m’en voulais de me plonger dans ces zones d’incertitudes, moi qui la contrôlante.
Vous voyez qu’on est bien loin des préjugés dont la société affuble les femmes ayant avorté !
OMG ! j’ai avorté et je ne ressens pas de culpabilité
Pourquoi pensez-vous devoir en ressentir ? Voilà la question à vous poser plutôt !
L’IVG est un droit (récemment acquis en France, datant de 1975) mais ne méprenons pas, la société – du moins la société française- est anti-IVG. L’injonction à la maternité reste encore le modèle de réussite sociale assignée aux femmes. Pour pasticher Mme De Beauvoir, nous ne naissons pas pro-IVG, nous le devenons. Nous grandissons avec des préjugés négatifs sur l’IVG (voir plus haut). Nous baignons dedans depuis tout.e petit.e. Ces préjugés sont notre fonds de pensée. Quand vous serez personnellement confrontée à l’IVG, le cerveau va vous proposer ces idées en 1er. Quand vous vous dites, je devrais me sentir coupable, la phrase totale serait davantage » je devrais me sentir coupable d’avoir avorté car c’est que la société m’a mis dans la tête. Mais est-ce réellement ce que je ressens ? Qu’est-ce que je ressens ? »
Ressentez ce que vous voulez et surtout comprenez pourquoi vous le ressentez si ce ressenti vous « dérange »
J’ai avorté et
…je suis joyeuse
…je m’en veux
…je suis triste
…je me sens coupable
…je ressens rien
…je suis soulagée
…je suis en colère
…je me sens comme avant, normale
…je regrette
…je ne sais pas ce que je ressens
Votre corps, vos choix, vos émotions, vos sentiments.
Pour en savoir plus sur mes accompagnements des vies post IVG des femmes, rendez-vous sur mon site www.sechoisirsoi.com, onglet IVG et culpabilité : en sortir
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Christelle Evita
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